Chapitre 11 – Escalade
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12 décembre 2023L’immensité de la réserve impressionna Elara. Les lutins avaient creusé l’intérieur du grand chêne sur plusieurs mètres de hauteur. Des étagères en bois remplissaient les murs, Elara y voyait divers objets manufacturés qui lui évoquaient des jouets pour enfants ainsi qu’une multitude de livres aux couvertures colorés. De longues échelles attachées au plafond glissaient tout autour de la pièce.
— C’est vraiment le bazar là-dedans, remarqua Caden. Je ne vois pas du tout comment on va retrouver cette vieille carte. Tu sais à quoi elle ressemble au moins.
Elara attendit discrètement qu’Aelius réponde.
— Tout ce dont je me souviens c’est qu’elle se trouvait dans une boîte rouge et or.
— Il faut qu’on cherche une boîte rouge et or, répéta Elara à son ami.
— Et bien, on n’est pas sorti de l’auberge.
Elara leva les épaules, rien ne servait de s’apitoyer, elle s’attela à la fouille. Avec un peu de chance, elle finirait par tomber sur la carte. Elle n’était pas arrivée jusqu’ici pour se laisser démoraliser.
— Je commence par ce mur-là, montra-t-elle. Et toi ? Par l’autre ?
Caden soupira et s’élança en direction de la première étagère devant lui.
— Non, mais c’est incroyable quand même tout ce qui est stocké ici ! s’indigna-t-il. C’est du gâchis tous ces objets qui se trouvent là ! Je suis sûr qu’il y a des gens qui leur trouveraient une utilité !
La jeune femme balayait du regard le mur face à elle en s’arrêtant sur chaque élément rouge qu’elle voyait. À sa hauteur, elle ne trouva qu’une vieille boîte à musique, un écrin en velours contenant un collier de pâtes puis pour terminer, elle ouvrit un carton qui renfermait une paire de chaussures à paillettes. Rien qui ne contenait une carte. Elle soupira. Elle venait de vérifier une des étagères sur les centaines de l’entrepôt. La tâche s’annonçait ardue. Alors qu’elle parcourait du regard les objets en hauteur, elle fut attirée par une lumière scintillante. Décidée à aller voir, elle attrapa une échelle pour se hisser à sa hauteur. Caden au fond de l’entrepôt était bien trop occupé à farfouiller dans les objets pour la remarquer.
— Je crois que j’ai assez grimpé pour toute ma vie, grommela-t-elle.
— Tu as vu quelque chose ? lui demanda Aelius, qui venait de voir qu’elle montait à l’échelle.
— Il y a un truc qui brille là-haut, répondit-elle, c’est rouge, ça pourrait être la boîte.
Aelius s’approchait quand le pied d’Elara rata une des marches de l’échelle. Les jambes dans le vide, elle poussa un petit hurlement. Elle s’agrippa à la force de ses mains. L’échelle, bien amarrée au plafond, trembla, mais ne bascula pas.
Ses bras flageolaient, usés par l’effort qu’ils avaient fourni quelques heures auparavant.
Elle tenta de se hisser pour retrouver la marche manquée, mais les secousses entrainèrent un éboulement de livres qui la prirent par surprise. En essayant de se protéger, elle lâcha le barreau et tomba dans le vide.
— Elara ! cria Aelius.
Le magicien se précipita pour la rejoindre, oubliant pendant un instant sa forme spectrale. La jeune femme ferma les yeux, s’attendant au choc. Est-ce qu’elle allait mourir ? Sans avoir pu dire adieu à sa famille ?
Son cœur s’accéléra, tambourinant dans sa poitrine. Elle s’arrêta de respirer, prise par la peur. Alors qu’elle se rapprochait du sol, Aelius tendit les mains pour la rattraper, leurs deux corps rentrèrent en contact et l’incroyable se produisit. Le magicien se matérialisa dans une lumière dorée pendant qu’il enveloppait Elara entre ses bras. Elle ouvrit les yeux, étonnée de la douceur du choc et de l’odeur sucrée qui se répandait autour d’elle. Aelius la pressait contre son torse et son regard glacé brillait d’une lueur nouvelle. Un sourire malin sur le visage, il reposa Elara au sol. Dès que le contact avec la jeune femme cessa, il retrouva son teint blafard de spectre.
— Qu’est-ce que ? demanda la jeune femme, hébétée.
— C’était quoi ça ? paniqua Caden, qui laissa tomber le livre qu’il tenait dans la main.
— J’aimerais bien le savoir, avoua Elara.
Elle ne quittait pas Aelius des yeux. Elle n’avait pas rêvé ! Caden aussi avait vu le magicien se matérialiser. Comment était ce possible ?
— Je crois que cette histoire va devenir intéressante, s’amusa Aelius.
— Quoi ?
— Ela à qui tu parles ? S’énerva Caden Y a un fantôme parmi nous ? Pourquoi tu n’es pas surprise ?
Son ami paniquait. Elara savait qu’il détestait les fantômes, les spectres et tout ce qui pouvait lui faire peur. Plus jeune, Camille l’embêtait beaucoup avec ça, Elara l’avait consolé à de nombreuses reprises.
— Oh, Caden, s’excusa Elara, je ne voulais pas te le cacher. Mais vous m’auriez prise pour une folle. J’ai rencontré le spectre d’un magicien dans la forêt, c’est lui qui m’a parlé de la carte. Mais je ne savais pas qu’il pouvait se matérialiser, sinon je vous l’aurais présenté.
— Je l’ignorais aussi, rigola Aelius. J’ai sous-estimé tes pouvoirs ; ils sont encore plus intéressants que ce que j’imaginais.
— Je suis en plein délire ! hurla Caden. Je suis bloqué dans un arbre avec un fantôme ! Elara culpabilisait de lui faire vivre ça.
La respiration de Caden devenait saccadée, de la sueur perlait sur son front.
— Il va paniquer encore longtemps ? demanda Aelius.
— Il n’a jamais aimé les manifestations mystiques, grimaça Elara.
— Donne-moi ta main, ordonna Aelius. Je vais lui montrer qu’il ne risque rien. À ce rythme, il va finir par se jeter au sol.
Elle regarda la main tendue d’Aelius. Son cœur s’accéléra lorsqu’elle se décida à l’attraper. Elle l’effleura du bout des doigts et un flot d’électricité le parcourut. Quand il glissa sa paume dans la sienne, elle frissonna. Elle n’arrivait pas à le lâcher du regard. Aelius semblait s’amuser de la situation, est-ce qu’il n’y avait qu’elle qui était troublée ? Elle sentait une vague de chaleur la traverser de ses pieds jusqu’au bout de son bras. Cette sensation, elle la ressentait d’habitude quand elle réalisait ses potions. Est-ce qu’elle faisait de la magie ?
Il inclina sa tête, l’attira à lui, son bras effleura sa taille et il se pencha vers son oreille.
— J’ai besoin de ça, chuchota-t-il. Autant mener l’expérience jusqu’au bout.
Il attrapa son bâton de magicien qu’Elara avait fixé à la ceinture de son pantalon.
— Tu te sens bien ? demanda-t-il. Pas d’effet secondaire à notre contact ?
Elle n’osa pas lui parler des palpitations, de ses joues en feu et se contenta d’acquiescer. Il commença à psalmodier des formules inconnues aux oreilles d’Elara.
L’air se soulevait autour de lui faisant voler ses cheveux blonds ébouriffés. Tout en lui respirait le pouvoir et l’enchantement. Un éclair traversa la pièce jusqu’à une étagère en hauteur et une boîte rouge chuta délicatement aux pieds de la sorcière.
— Est-ce ? chuchota-t-elle.
— Il semblerait bien. Tu n’as qu’à vérifier, lui répondit Aelius.
Caden qui avait failli tomber dans les pommes pendant le tour de magie d’Aelius se précipita devant eux et pinça la joue d’Aelius.
— Aïe ! gémit le magicien.
Il se recula, lâcha la main d’Elara et disparut.
Caden attrapa les épaules d’Elara, ses yeux étaient exorbités.
— Est-ce que ça va ? cria-t-il d’une voix plus aiguë qu’à l’accoutumée. C’était quoi ce truc ?
— Le magicien Caden, expliqua Elara. Regarde, je crois qu’il a retrouvé la carte pour nous.
Elle se dégagea puis s’accroupit pour ouvrir la boîte. Caden ferma les paupières pour prendre une longue respiration. Elle le sentait à deux doigts de la syncope. Elle essaya de dédramatiser la situation.
— Grâce à lui, je vais sauver Papa. Il s’appelle Aelius.
— Mais Ela, tu ne le connais pas ! S’il te menait en bateau ? Tu as vu comme il est puissant ? Tu pourrais être en danger.
Comme si elle ne s’était pas déjà posé toutes ces questions. Mais avait-elle vraiment le choix ? Elle n’avait pas d’autres pistes. En plus, elle n’imaginait pas Aelius la tromper. Elle ne le connaissait pas depuis longtemps, mais avait l’impression qu’il aimait plutôt la vérité.
— C’est un magicien royal, insista Elara, je ne pense pas qu’il me mente. Et c’est la seule piste que j’ai. Je suis prête à prendre le risque. Fais-moi confiance !
Elle ouvrit avec délicatesse la boîte et en sortit un vieux parchemin usé par le temps. Caden et Aelius s’accroupirent à ses côtés. Le magicien fronça ses sourcils quand il s’aperçut de l’état de la carte.
— Fais attention à ne pas la déchirer, ordonna-t-il. Elle est dans un sale état.
Elara souffla sur la poussière qui s’éleva dans l’atmosphère et lui chatouilla les narines. Caden éternua à plusieurs reprises. L’odeur du papier usé se répandit autour d’elle et ils s’employèrent à déplier la carte. Quand elle fut entièrement étalée sur le sol, Aelius s’approcha et se retourna d’un air surpris vers la jeune femme.
— C’est le plan de Colroy.
— La grande ville ? s’étonna-t-elle. Mais ce n’est pas là d’où tu viens ?
— Si.
— La grande ville, répéta Caden. Colroy ? Là où ils utilisent des pièces d’or plutôt que le troc ? Ça fait une trotte depuis chez nous.
L’air préoccupé du magicien inquiéta la jeune femme. Elle se pencha pour regarder plus attentivement la carte. Des petites croix cheminaient depuis l’entrée jusqu’à ce qui était indiqué comme étant les catacombes. Elle posa son doigt sur les dernières traces qui s’arrêtaient sur un escalier fictif.
— On doit se rendre dans les catacombes ? souffla-t-elle.
— On dirait bien, chuchota Aelius.
— Tu sais comment y aller ?
— Bien sûr !
— Super ! On va pouvoir redescendre et préparer nos affaires.
— Est-ce que tu peux cesser de parler à ce soi-disant magicien et m’expliquer ce qui se passe ? s’énerva Caden.
— Oh Caden ! La carte nous dit de nous rendre aux catacombes de Colroy !
Son ami semblait abasourdi.
— Tu ne vas pas y aller avec ce mec, Ela. Tu ne le connais pas !
Aelius soupira d’impatience à côté de la jeune femme.
— On n’a pas le temps pour ça.
Il attrapa Elara par les épaules et récupéra son bâton. Caden recula surpris par l’apparition soudaine du magicien. Aelius fixa intensément le jeune homme.
— Je l’emmène.
— Pardon ? s’étonna Elara.
— Quoi ? hurla Caden. Lâche-la tout de suite ! Si tu lui fais du mal, je te traquerai, fantôme ou pas !
— Calme-toi, s’agaça Aelius. Tu diras à sa famille qu’on sera bientôt de retour avec un remède pour votre malédiction.
— Aelius, objecta Elara, on ne peut pas disparaître maintenant, je n’ai même pas d’affaires et il faut que je prévienne les autres.
Il planta son regard glacé dans le sien.
— Je croyais qu’on n’avait pas de temps à perdre.
Elle se noya dans ses yeux gris. Devait-elle se débattre ou accepter de partir avec lui. Est-ce que ses amis lui en voudraient ? Qu’est-ce qui était le plus important pour elle ? Sauver son père. La seule piste qu’elle avait c’était le cristal dont lui avait parlé Aelius. Au fond d’elle, elle savait qu’elle ne l’avait pas rencontré par hasard. Et non, elle n’avait pas de temps à perdre. Même si le magicien ne s’avérait pas fiable, elle s’en sortirait ! Elle avait toujours été débrouillarde. Elle détourna le regard pour confronter son ami, qui n’osait pas bouger.
— Dis à maman que je reviens vite ! Ne vous en faites pas pour moi, je suis plus forte que ce que vous pensez.
Un sourire éclaira le visage d’Aelius, il chuchota une étrange formule et une brume rose s’éleva du sol pour les entourer.
La tête d’Elara tourna, tout se mit à tourbillonner autour d’elle. Elle étouffa dans le brouillard qui devenait de plus en plus épais. L’entrepôt disparaissait, elle ne distinguait plus rien. Elle sentit le bras d’Aelius attraper sa taille pour la maintenir fermement. La voix de Caden qui criait son nom résonna au loin.
— Ne t’en fais pas, la rassura Aelius, on arrive.
Des hauts le cœur lui levaient la poitrine quand la brume se dissipa. Ils se retrouvèrent au beau milieu d’une foule de passants pressés. Devant elle se trouvait un château étincelant aux tours qui transperçaient les nuages, entouré d’arbres gigantesques.
Aelius les avait téléportés à Colroy.