Chapitre 9 – A la recherche de la carte
9 décembre 2023Chapitre 11 – Escalade
11 décembre 2023— C’est vraiment nécessaire ?
Elara observait Caden charger une remorque entière de bois, vis et multiples petits objets qui trainaient dans la remise. Elle se demanda s’il fallait autant de matériaux pour récupérer une carte.
— Je les connais ! répondit Caden. Si l’on veut négocier, la préparation est importante. Ils sont durs en affaires et ça fait longtemps que je ne suis pas allé les voir.
— OK ! capitula Elara. Qu’est-ce qu’il te faut d’autre ?
— Les rubans au fond de la pièce, désigna-t-il. Tu peux m’en ramener ?
Son doigt pointait en direction d’un établi en bois sur lequel étaient disposées des boites métalliques remplies de tissus colorés ainsi que de rubans en satin. Elle rejoignait le fond de l’entrepôt quand son pied tapa dans une planche délaissée au sol. Elle agita ses bras comme des moulins pour retrouver son équilibre et attrapa le regard songeur d’Aelius posé sur elle. Elle s’attendait à ce qu’il se moque de sa maladresse, mais il détourna la tête sans un mot. Depuis qu’elle avait accepté de l’aider, elle le trouvait beaucoup moins insupportable, même sympathique. Il paraissait presque agacé de ne pas les aider à charger la remorque. Elle appréciait ce changement d’attitude ! Peut-être qu’ils finiraient par former une bonne équipe.
— J’en prends combien ? demanda-t-elle à Caden une fois arrivée devant les rubans.
— Deux ou trois ! hurla-t-il à l’autre bout du hangar.
Un ruban doré avec des boules rouges attira son regard. Elle l’attrapa, passa délicatement ses doigts dessus pour en apprécier la qualité de fabrication. La douceur du tissu glissait sur ses phalanges. Elle en récupéra encore deux de couleurs moins vives et retourna à la remorque pour les mettre à l’intérieur. Caden observa son chargement avec un visage satisfait. Son bras entoura les épaules d’Elara, dans un geste fraternel.
— Ça fera l’affaire, déclama-t-il.
— Mais ils fabriquent quoi avec tout ça ?
— Bonne question, renchérit Aelius, tu es sûr que ça sera facile de récupérer la carte ?
Le magicien s’installa au milieu de la remorque tandis que Caden éclata de rire devant l’air inquiet d’Elara.
— Tu verras bien ! On y va !
Il empoigna la remorque et la tira jusqu’à l’extérieur.
— Va falloir que tu m’aides, Ela !
— Génial, soupira-t-elle, je me mets où ?
— Pousse par-derrière.
— Ce n’est pas trop lourd Ela ? s’enquit Caden au bout de quelques mètres.
— Non ! Tu fais tout le boulot.
Et effectivement, Caden tractait la remorque avec vigueur. Elle trottinait à l’arrière en essayant de pousser le rebond métallique, mais elle sentait bien que sa participation était futile. Elle regarda le dos musclé de son ami, rassuré qu’il ait accepté de l’aider sans plus de questions.
— Moi, je suis plutôt inquiet par ta jupe qui traine au sol ! observa Aelius, flottant sur les morceaux de bois. Tu ne peux pas la remonter un peu ? Tu vas te prendre les pieds dedans…
Le trouvait-elle sympathique quelques instants plus tôt ? Non, elle s’était trompée, il était toujours aussi agaçant.
— On ne peut pas dire que tu sois très adroite, continua-t-il. Depuis que je te connais, tu es déjà tombée deux ou trois fois. Je n’ai pas besoin d’une associée éclopée.
Elara roula des yeux, il avait juste peur qu’elle ne puisse pas l’aider. Elle n’osa pas lui répondre en présence de Caden. Elle se serait fait une joie de l’envoyer balader.
Ils gagnèrent les bords du lac en une dizaine de minutes. Durant le trajet, elle s’employa à ne pas se prendre les pieds dans le tissu qui frottait contre ses bottes. Hors de question de donner satisfaction au magicien. Elle sentait ses yeux glacés sur elle et quand ils se plantèrent dans les siens, elle frissonna. Elle venait de remarquer l’intensité qui s’en dégageait. Il rompit le contact en premier, attiré par la beauté immaculée du lac.
— C’est magnifique, souffla-t-il.
Elara acquiesça. L’eau turquoise et limpide reflétait les rayons du soleil. Malgré l’arrivée de l’hiver, l’endroit demeurait chaleureux et paisible. Elara adorait se prélasser au bord du rivage aux heures où aucun habitant ne se promenait. Elle y appréciait le calme et la tranquillité. Parfois, quand elle était attentive, elle observait les petites oreilles pointues des lutins curieux qui se cachaient dans les bosquets.
Caden arrêta la remorque devant un arbre à la forme arrondie, recouvert de lianes. Il extirpa un sifflet doré de la poche de son pantalon en toile épaisse. Lorsqu’il souffla, Elara n’entendit aucun son en sortir.
Elle regarda son ami en fronçant les sourcils.
— Caden ? Je crois qu’il ne marche pas ton sifflet.
Il lui adressa un clin d’œil.
— Chut ! Observe !
Il continua à souffler quand des boules blanches entourèrent le tronc d’arbre.
— Regarde, murmura Aelius à côté d’elle, c’est de la magie.
L’arche se remplit d’un voile lumineux qui laissa sortir une petite créature aux oreilles pointues. C’était la première fois qu’Elara apercevait un lutin aussi proche. Sa peau verte et écailleuse luisait. Il attrapa de sa main palmée celle de Caden.
— Caden ! cria-t-il d’une voix stridente.
Tandis que son ami se baissait à la hauteur du nouveau venu, Elara s’amusa de voir la joie qui recouvrait le visage du petit lutin.
— Fafa ! répondit Caden. Tu vas bien ?
— Je suis content de te voir, s’extasia le lutin d’une voix fluette. Ça faisait trop longtemps que tu n’étais pas venu.
Ses gros yeux globuleux se posèrent sur la remorque puis sur Elara.
— Tu as emmené une amie ?
— Oui je te présente Ela, elle voulait vous demander quelque chose. Votre secret sera bien gardé avec elle, c’est promis.
Elara s’approcha pour se présenter, mais le lutin tournait déjà avec impatience autour de la remorque.
— Oh oh ! rigola Fafa en se frottant les mains. Ça doit être une sacrée demande vu ce que tu nous as ramené.
Il retourna en sautillant devant le portail, le bout de tissu pailleté qui recouvrait son entrejambe s’agitait
— Qu’est-ce que vous attendez ! Venez !
Caden, Aelius et Elara s’engouffrèrent dans le voile lumineux à la suite de Fafa. Ils arrivèrent au milieu d’une flopée de lutins qui sautillaient joyeusement. Leur présence attira les regards et ils se retrouvèrent rapidement encerclés par la foule. Elara aperçut plus loin, des cabanes en paille construites sur des ilots entourés de marécages. Au pied d’un arbre, des enfants pataugeaient dans la mare en s’envoyant de la boue.
— Venez ! Venez ! réclama Fafa, c’est Huhu qui s’occupe des demandes !
Slalomant sur des pierres à la poursuite du lutin, Elara s’émerveilla de la découverte de cet endroit. Elle savait qu’ils vivaient cachés, mais elle n’avait pas imaginé un tel village dissimulé aux yeux de tous. Pour les protéger, la famille de Caden n’avait jamais révélé leur secret.
Elle s’avança aux côtés de son ami.
— C’est incroyable ici !
— Tu as vu ? s’amusa-t-il. Ils aiment vivre paisiblement et mon grand-père leur a promis de préserver leur tranquillité. Je fais une exception pour toi parce que la situation est désespérée.
— Merci Caden. Je te revaudrai ça.
— Pas la peine Ela, tu nous as sortis du pétrin un nombre incalculable de fois, Camille et moi. Te rendre la pareille me fait plaisir.
Il disait ça, mais Elara avait l’impression qu’il partageait avec elle son plus grand trésor.
— Ils sont tellement nombreux ! s’exclama-t-elle. Ils arrivent à se débrouiller seuls ici ?
— Ce sont de très bons pêcheurs et bricoleurs, acquiesça Caden. Ils confectionnent des objets incroyables avec les matériaux que je leur ramène. D’ailleurs, beaucoup de jouets de notre boutique sont de leur fabrication.
Fafa accéléra, traversa une mare boueuse et tambourina à la porte d’une hutte en paille plus imposante que les autres.
— Huhu ! Caden est là ! Il a une demande !
Le dénommé Huhu passa sa tête par le hublot, ses gros yeux noirs se posèrent sur les nouveaux arrivants et il sortit en tombe ! Plus âgé que ses congénères, il portait au sommet du crâne un bonnet pointu assorti au bout de tissu violet à paillettes qui se trouvait entre ses jambes.
Caden plaça sa main dans le dos d’Elara puis la poussa doucement en direction du chef des lutins.
— Sois polie et fais ta requête le plus clairement possible, chuchota-t-il.
Elara s’avança, elle se sentait observée par des centaines d’yeux globuleux qui sortaient des marécages. Aelius s’approcha d’elle.
— Ne t’inquiète pas, s’amusa-t-il. Ils n’ont pas l’air bien méchants.
Elle s’inclina avant de s’adresser au petit lutin.
— Bonjour, je m’appelle Elara, je suis heureuse de vous rencontrer, je crois avoir déjà aperçu certains d’entre vous au bord du lac.
Un murmure s’éleva autour d’elle. Inquiète, elle regarde Aelius qui l’encouragea à continuer en lui soufflant la description des objets.
— Je cherche une carte magique, un d’entre vous l’aurait récupéré dans la forêt. Et un bâton, un bâton en or avec un cristal bleu au sommet.
Les yeux de Huhu s’agrandirent. Il se précipita dans sa hutte pour ressortir avec le bâton du magicien entre ses mains. Aelius se précipita pour l’attraper, mais il passa au travers.
— Foutue forme spectrale ! râla-t-il.
Huhu le tendit à Elara.
— Est-ce bien celui-là ? demanda-t-il.
Aelius acquiesça.
— Oui, répondit la jeune femme.
— Ça vaut au moins tout le contenu de la remorque ! ricana Huhu.
Caden leva les bras au ciel.
— Ce n’est pas pour rien que je l’ai ramené.
Huhu poussa des petits cris stridents de joie alors qu’il posait le bâton du magicien entre les mains d’Elara.
— Et la carte ? questionna Aelius. Est-ce qu’ils ont vu la carte ?
— Huhu, est-ce que vous auriez aussi la carte ? l’interrogea Elara. S’il le faut, on ramènera une deuxième remorque.
Le petit lutin se tut et ses congénères l’imitèrent.
— Cette vieillerie inutile ?
Elara se baissa à la hauteur du lutin et lui attrapa les mains.
— Elle est importante pour moi ! Dis-moi que tu ne l’as pas jeté s’il te plait.
— Pas jeté, non.
Huhu secoua la tête puis lança son bras en direction de l’arbre gigantesque qui trônait au milieu du village. Son doigt ciblait la cime qui s’élevait à des dizaines de mètres du sol.
— Elle est rangée dans la remise, en haut du grand chêne. Avec tous les objets qui ne nous servent à rien.
Huhu serra les mains de la jeune femme.
— Nous n’y allons qu’une fois par an. Tu vas devoir attendre.
— Je ne peux pas attendre, répondit Elara effarée.
Elle se tourna vers Aelius qui l’observait, préoccupé. Caden s’approcha et s’adressa à son tour au petit lutin des rivières.
— Et si je l’aide à grimper. Si on y va tous les deux ? Est-ce que tu nous laisserais chercher la carte ?
Huhu se gratta le menton.
— C’est dangereux.
— S’il te plait Huhu, supplia Elara, c’est pour sauver mon père.
Il ne résista pas aux grands yeux implorants de la sorcière.
— Très bien, abdiqua le lutin. Ça a l’air important pour vous. Je ne peux vous fournir que quelques cordes et mon peuple ne sera pas responsable s’il arrive quelque chose à l’un d’entre vous.
Elara attrapa le petit lutin pour l’enserrer entre ses bras.
— Merci Huhu ! On fera attention.
Gêné et les joues rosies, il se dégagea de l’étreinte en balbutiant.
— On dirait que tu as du succès avec les lutins, s’amusa Aelius.
Huhu se retourna pour s’adresser à une lutine plongée dans l’eau.
— Allez leur chercher des vêtements confortables, des provisions et les cordes. Je ne sais pas où est rangée cette carte dans la réserve, ils risquent de mettre du temps à la trouver.
Il disparut dans l’encadrement de sa porte en même temps que les têtes pointues des marécages. Elara sentit ses épaules se détendre, ils pourraient récupérer la carte ! Elle regarda le bâton du magicien toujours entre ses mains. Elle ne savait pas quoi faire ce cet objet.
— Tu as intérêt à en prendre soin, grimaça Aelius. Je veux le reprendre en bon état !
— Je ne suis pas un garde-meuble, râla-t-elle.
Pourtant, elle la rangea méticuleusement dans sa sacoche. Elle avait l’impression qu’elle devait la garder avec elle. Elle ressortait sa main de sa besace quand des doigts visqueux l’attrapèrent.
– Venez vous changer, lança une petite voix aiguë. On ne peut pas escalader avec une jupe comme la vôtre. Elle se laissa emmener par la lutine qui la tirait en direction d’une hutte.